Retour en arrière... mon premier texte pour enfants

Publié le par william-trommenschlager

Pablo, c’est comme ça que je m’appelle. C’est espagnol comme prénom.

Espagnol comme maman ; enfin, pas tout à fait : elle, elle est  franco-espagnole  comme elle dit.

 

J’aime bien dire comment je m’appelle.

Et comment tu t’appelles ? 

Pablo. Pablo, je réponds.

J’aime bien le blo de Pablo. C’est comme un bruit d’eau, je trouve. Un petit plouf au ralenti. C’est un prénom qui claque et qui mouille.

 

Et papa avance toujours les lèvres quand il dit mon prénom.

 

Tiens, d’ailleurs c’est aujourd’hui son anniversaire à papa. Il est vieux.

Moins que la maîtresse, moins que mamie Yvonne, moins que maman aussi ; mais il est vieux quand même...

Vingt-neuf ans.

Comme l’année dernière.

 

Alors, je lui prépare une surprise. Je sais qu’il aime ça, les surprises. Comme moi.

 

Avec mon papa, on se ressemble. Une photo de lui, c’est comme une photo de moi, en vieux.

Et des photos de lui, il y en a partout dans la maison. Sous les aimants du frigo, dans les cadres du piano, en tout petit sur mon bureau. Il est partout dans la maison.

Parce que c’est mon papa. Parce que maman l’aime tout ça.

 

Voilà. Encore du bleu dans le o de « bon anniversaire», de l’herbe verte sur les lettres p.a.p.a., juste au-dessus… comme ça… pour dire qu’il n’est pas vraiment loin, sous le tapis d’herbe de mes pieds froids.

 

Ce dessin-là, je le plie dans une enveloppe en plastique. Comme l’année dernière. Maman m’a dit que la pluie ne laverait pas ce que j’ai écrit.

 

Je vous lis : « Mon papa, maintenant, je suis en CP. Polo est toujours dans ma classe et ma maîtresse a de drôles de lunettes !

Je t’ai fait un château fort, parce que je sais les dessiner.

Maman et moi, on va venir te voir. Pour fleurir ta maison à toi et caresser le verre devant le sourire de ton visage… » Ah, oui, je ne vous ai pas dit : là aussi, il y a sa photo !

 

C’est parce que c’est là qu’il habite maintenant. Il dort sous la terre, mon papa. Il est allongé dans un coffre de pirate. En bois. Avec des poignées en or ! Je le sais parce que je les ai vues quand les messieurs tout gris comme les nuages l’ont fait descendre dans le noir. J’avais quatre ans. J’étais déjà grand.

 

Moi, ce qui me fait pleurer, c’est que papa ne me fait plus jamais voler dans les airs et atterrir dans ses bras. Alors, je vole tout seul. Je me dis que je dois y arriver, à six ans.

Et aussi, il ne me répond pas. Peut-être qu’il me boude… Non, je ne crois pas…

 

Par contre, j’aime bien quand maman me dit que, quand même, il me voit. Alors, je fais semblant de lui parler. Je lui raconte qu’avec Polo, on a poussé Florentin et qu’on s’est même pas fait disputer.

Je lui murmure mes secrets de garçon et me plains de maman-grognon, parfois.

 

Et puis aussi, je l’imagine assis au bord de mon lit quand l’orage dans ma tête fait glisser la couette. Lorsque j’ai peur, il est là pour moi.

 

Oui, c’est mon papa et aujourd’hui c’est son anniversaire. Il a vingt-neuf ans. Comme l’année dernière.

Publié dans Textes pour enfants

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N
Ca laisse sans voix... une boule dans la gorge.<br /> Bises. Nath
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N
A la fois réaliste, touchant et émouvant. Premier essai réussi et je vais sérieusement me pencher sur Une Journée Particulière...
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